“Je n’ai pas d’eau pour cuisiner, pas d’eau pour me laver, je ne peux rien faire”, se désespère José Antonio. Cet habitant de Caracas, comme des milliers d’autres, vient s’approvisionner à la seule source qui subsiste autour de lui : celle des contreforts d’El Avila, la montagne qui domine la capitale du Venezuela.
Un plan de rationnement de l’électricité a été décrété par le président Nicolas Maduro le 1er avril pour tenter d’en finir avec les coupures fréquentes. Elles entraînent des pénuries d’eau courante, faute d’alimentation électrique des pompes. Il faut aller chercher l’eau ailleurs. “Je viens deux fois par semaine avec quatre bidons de 15 litres”, explique José Antonio. Après trois heures d’attente, il peut enfin placer son bidon sous le mince filet d’eau qui coule d’un tuyau sortant de la montagne. Il habite un quartier populaire situé à une dizaine de kilomètres de là, où l’eau manque depuis la première grande coupure d’électricité, le 7 mars dernier. Pour l’eau, la montagne est son seul recours. Sans électricité, je n’ai pas non plus de téléphone. Je ne peux plus sortir acheter des choses. Je n’ai plus rien. Tout est foutu.José Antonio, à CaracasDerrière José Antonio et la source, l’autoroute est bloquée par des milliers de voitures qui attendent leur tour, des bidons plein le coffre. Selon Soraya, les différentes sources de la montagne sont les dernières qui fournissent de l’eau non polluée à Caracas. “L’eau de l’Avila est la plus pure qui soit : elle est cristalline, elle vient d’en haut, elle est potable. C’est une eau adaptée à la consommation humaine”, assure-t-elle. Mais pour en profiter, il faut attendre explique Angelica, une mère de famille.Je suis arrivée à 13 heures. Il est 16 heures et je n’ai rien rempli parce que chaque personne met 25 minutes pour remplir un bidon.Angelica, à CaracasAngelica s’indigne d’en être réduite à sacrifier la journée de ses trois filles pour l’aider à porter les bidons. “Vous trouvez ça normal que ces enfants qui n’ont même pas 15 ans passent leurs journées à chercher de l’eau plutôt que d’être chez eux devant la télé, en train de faire du sport ou n’importe quelle activité extra-scolaire ? Ce qu’on vit est injuste”, se désole-t-elle.Comme elle, tout le monde s’impatiente et peste contre cette situation chaotique. Selon José Antonio, dont le bidon continue de se remplir, le manque d’eau rend le climat social explosif : “En ce moment, mon quartier est en ébullition. Ils ont bloqué les rues parce qu’on leur avait promis des citernes qui ne sont jamais venues. Tout le quartier est dans la rue.”Et rien ne laisse présager d’amélioration. Alors que José Antonio retire enfin son bidon, le feu de signalisation à quelques mètres s’éteint dans une énième coupure d’électricité.