Paru en avril dernier, “Claude chabrol par lui-même et par les siens” est un éclairage précieux sur l’oeuvre et la personnalité du cinéaste disparu en septembre.
L’homme qui se plaisait à répéter “Je n’ai pas d’ego” avait accepté de se raconter une nouvelle fois dans un livre, avec la complicité du journaliste Michel Pascal. Sa mort le 12 septembre 2010 l’a empêché d’aller au bout de l’entreprise, mais, même inachevé, ce récit à la première personne, complété par des témoignages émouvants de proches du réalisateur, se révèle très éclairant. En apparence modeste, avec sa structure extrêmement simple (différents thèmes sont égrénés, de façon plus ou moins chronologique), ce Claude Chabrol par lui-même et par les siens (paru en avril) est fidèle à l’esprit du cinéma chabrolien. Les anecdotes foisonnent, certaines bien connues (l’héritage de sa première épouse qui a financé son Beau Serge inaugural), d’autres moins -qui savait que Chacha avait eu entre les mains le premier script de ce qui allait devenir Heat ?. Jusqu’à des confidences sur un de ses derniers projets, L’Escalier de fer, d’après son cher Simenon, avec sa non moins chère Isabelle Huppert en “folle du cul“.
Sans verser dans le people honteux, l’ouvrage évoque la place importante qu’occupèrent, de façon très différente, les trois épouses de Chabrol, de l’héritière Agnès Goute, “productrice de fait” à Aurore Chabrol, la scripte qui l’appelait “Hercule Poivrot” ou “l’Ayatollah Khomedy“, en passant par Stéphane Audran (“Elle incarnait le monde du paraître qui n’était pas le mien“). Les trois ont en commun d’être orphelines, fait remarquer son fils Jean-Yves, le seul de la famille à n’avoir pas été un de ses collaborateurs. Dans l’entourage du cinéaste, la figure la plus fascinante est sans doute celle de Paul Gégauff, ami et scénariste des débuts, sorte de mauvais génie qui a fini assassiné par sa femme en 1983. “Il a fait sauter tous les verrous de mon vieux fonds judéo-chrétien. Il incarnait la liberté que je ne savais pas conquérir seul” confie un Chabrol très enclin à l’introspection -ailleurs, il lie son ancrage à gauche à son admiration pour un père Résistant.
Mais au-delà de l’éclairage sur la personnalité de cet homme béat auto-proclamé -un état atteint à l’époque de La Cérémonie-, le livre intéressera les cinéphiles qui constateront que Claude Chabrol avait, sur la mise en scène, des idées bien plus précises et réfléchies que sa réputation de dilettante ne le laissait supposer. Exposant sa méthode, de l’écriture au travail avec les acteurs (“J’aime mieux l’école Spencer Tracy que l’école Marlon Brando“, déclare cet ennemi du Romantisme), il revendique les oeuvres moins abouties : “Je ne vois pas pourquoi les cinéastes ne seraient pas comme les peintres qui ont le droit de faire de mauvaises toiles, ne serait-ce que pour approfondir leur art“. Clairvoyant, il résume son projet : “Comme Truffaut, je voulais fonctionner film par film, mais à l’intérieur d’un ensemble plus large, avec des mises en perspective que je m’efforçais de créer“.
Julien Dokhan
Claude Chabrol,
par lui même et par les siens
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avec Michel Pascal,
éditions Stock, 2011
Voir notre dossier consacré à Claude Chabrol