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Tabac, alcool, cannabis : il faut "débanaliser" leur usage

“Il faut débanaliser l’usage et le concept de rite initiatique des substances psychoactives“, estime Danièle Jourdain-Ménninger. S’appuyant sur une expertise collective de l’Inserm qui pointe du doigt l’expérimentation de plus en plus précoce du tabac, de l’alcool et du cannabis, la présidente de la Mission de lutte interministérielle contre les toxicomanies(MILDT) veut modifier la représentation qu’ont les jeunes de ces produits en renforçant leurs “compétences psychosociales“. Explications.

A 17 ans, un jeune sur trois fume et 91 % a bu de l'alcool.

Une semaine après la présentation du

Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et conduites addictives 2013-2017, l’Inserm a présenté l’expertise collective que lui avait commandée la Mission de lutte interministérielle contre les toxicomanies (MILDT), dans laquelle elle fait le point sur les connaissances scientifiques en matière de vulnérabilités des adolescents à l’égard des substances psychoactives. Si elles ne révèlent rien de foncièrement nouveau, les données confirment l’expérimentation de plus en plus précoce des substances psychoactives et les risques associés.L’alcool, drogue préférée des adosA 11 ans, plus de la moitié des adolescents ont déjà bu de l’

alcool (58 %) ; ils sont 91 % à 17 ans. Mais surtout, ils sont 7 % en 3ème puis 6 à 15 % (6 % des jeunes filles, 15 % des jeunes hommes) à boire régulièrement, c’est-à-dire au moins 10 fois par mois. A 17 ans, plus de la moitié des ados rapportent une alcoolisation ponctuelle importante par mois (connue sous le terme de “binge drinking“, soit au moins 5 verres d’alcool en une même occasion), un phénomène en hausse depuis 2005 (53 % vs 46 %). Les ivresses répétées concernent 10,5 % des jeunes de 17 ans. C’est durant les années collège que s’intensifient les expérimentations et les ivresses, qui passent de 6 % en 6ème à 40 % en 3ème.C’est aussi à cette période, alors que le cerveau est en pleine maturation, que les effets nocifs de l’alcool sont les plus importants, souligne Mickaël Naassila, Inserm ERi24-GRAP (groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances). “La maturation cérébrale se poursuit jusqu’à l’âge de 25 ans. L’adolescence est donc une période de grande vulnérabilité aux effets de l’alcool“, explique l’expert, citant la neurotoxicité, le risque d’addiction et les troubles de la mémoire. Les alcoolisations massives entraîneraient en outre des atteintes morphologiques et fonctionnelles plus importantes qu’avec une consommation régulière modérée, et là non plus, l’égalité hommes-femmes ne serait pas de rigueur. Surtout, la consommation précoce d’alcool doublerait le risque de dépendance à l’âge adulte.A 17 ans, un ado sur trois est fumeurLe

tabac est le premier produit psychoactif consommé à l’adolescence : les 2/3 des filles et 70 % des garçons ont déjà fumé, et un tiers des ados fument toujours à 17 ans. L’usage quotidien commence dès le collège, avec 8 % de fumeurs en 4ème et 16 % en 3ème. Problème : le tabac fait partie des substances les plus addictogènes, à égalité avec la

cocaïne et l’

héroïne, et double la mortalité prématurée à 60 ans.
Quant au

cannabis, il reste la première

drogue illicite consommée par les jeunes : à 17 ans, 44 % des garçons et 39 % des jeunes filles ont déjà fumé un joint et 7 % en ont une consommation régulière (au moins 10 par mois). Cela signifie tout de même que 93 % des adolescents de 17 ans ne sont pas de véritables accros à cette substance, autant dire une écrasante majorité. Pour Alain Dervaux (service d’addictologie au centre hospitalier Saint-Anne à Paris), les risques du cannabis sont réels : 
– apparition de troubles cognitifs (attention, temps de réaction, mémoire de travail, mémoire épisodique) susceptibles d’entraîner des pertes de chances en termes de capacités adaptatives. Si ces effets nocifs disparaissent dans le mois qui suit l’arrêt de la consommation, ils peuvent persister lorsque celle-ci a débuté avant l’âge de 15 ans et se traduire par des difficultés d’apprentissage, alerte le chercheur.
– dépendance : 5 % des jeunes seraient incapables de résister à l’envie de fumer un joint et présenteraient les signes de sevrage : irritabilité, agressivité, anxiété, troubles du sommeil.
– plus rare mais plus grave, l’augmentation de la vulnérabilité aux maladies psychiatriques, en particulier la

dépression et la

schizophrénie. La prise de cannabis est d’ailleurs retrouvée comme élément déclenchant dans plus d’un tiers des cas.“Ces troubles sont d’autant plus graves que la consommation est précoce (avant 15 ans), qu’elle est élevée et qu’il existe des prédispositions (échec scolaire, antécédents familiaux de troubles psychiatriques)“, souligne Alain Dervaux.L’addiction aux jeux vidéo concerne 3 à 5 % des jeunesMoins fréquente mais en voie de développement, l’addiction aux jeux vidéo peut faire des ravages, met en garde Olivier Phan, chercheur à l’Inserm, qui a participé à l’expertise collective. A l’heure actuelle, 3 à 5 % des adolescents auraient une pratique problématique. “Le jeu est chronophage, il détourne l’adolescent de son parcours de développement“. Cette plongée dans le monde virtuel est dans ces cas-là une “fuite de la réalité devenue trop difficile, mais cette fuite devient délétère car elle développe la phobie sociale et scolaire qui avaient amené l’adolescent à s’y réfugier“, explique le chercheur qui regrette que la pratique problématique et abusive des jeux vidéo ne soit pas encore reconnue comme une addiction.Apprendre aux jeunes à résister aux représentations sociales des droguesPour Danièle Jourdain-Ménninger, présidente de la MILDT, en faisant de la recherche une priorité stratégique de son Plan de lutte contre les drogues et conduites addictives 2013-2017, le gouvernement va dans le bon sens. “Il y a beaucoup d’idéologies, d’idées reçues qui imprègnent le tabac l’alcool, le cannabis. Nous avons besoin d’une expertise scientifique“ sur laquelle les politiques de santé peuvent s’appuyer, a-t-elle préconisé. Mais le plus important à ses yeux est de “débanaliser l’usage et le concept de rite initiatique des substances psychoactives“.“Dire que c’est risqué, ça ne marche pas même si c’est la réalité“. Alors comment passer de cette affirmation connue à son appropriation par les jeunes ? En renforçant leurs compétences psychosociales, suggère la présidente de la MILDT, et en leur apprenant à résister aux sirènes du marketing.Des programmes existent à l’étranger : plutôt que d’interdire, ils insistent sur la mobilisation des ressources internes propres à l’adolescent pour lui donner les armes qui lui permettront de faire face aux addictions. L’idée : s’appuyer sur les pairs. Il s’agit par exemple de former des étudiants-relais aux risques et à la sensibilisation de leurs copains en soirées, ou de former des collégiens à l’influence du marketing, du groupe et à l’affirmation de soi afin qu’ils fassent passer le message à leurs pairs. En France, malheureusement, l’ambivalence à l’égard de la prévention, considérée comme indispensable mais dont on n’est pas certain de l’efficacité, retarde considérablement le passage à des actions concrètes, regrette Olivier Phan.Notre pays a toutefois mis en place quelque 300 “consultations jeunes consommateurs“ (CJC), lieux d’accueil et de prise en charge des jeunes adeptes de substances psychoactives. Ces dispositifs se heurtent cependant à un rejet de l’adolescent, pour lequel “consulter c’est être faible et sous la dépendance des parents“. Les spécialistes s’appuient également sur les “entretiens motivationnels“ réalisés en consultation externe, mais aussi sur les thérapies familiales qui incluent les parents dans la prise en charge de leur enfant. En cas d’échec de ces soins ambulatoires, face à une addiction sévère, les maisons des adolescents et les soins résidentiels ont montré leur intérêt.Pour les plus jeunes, l’enjeu est la prévention primaire, c’est-à-dire empêcher la 1ère cigarette ou le 1er verre ; avec son

manga Kusa, qui apprend à gérer ses émotions sans passer par un produit psychoactif, la MILDT espère sensibiliser les pré-ados, sans pour autant attiser leur curiosité à l’égard de ces substances. C’est d’ailleurs là l’un des écueils récurrents des campagnes de sensibilisation, car “jouer sur la peur a souvent l’effet inverse chez l’adolescence“.Amélie PelletierSource : “Conduites addictives chez les adolescents. Une expertise collective de l’Inserm“ (

téléchargeable sur le site de l’Inserm). Conférence de presse organisée le 6 février 2014.Click Here: Fjallraven Kanken Art Spring Landscape Backpacks

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