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L’art gnaoua, candidat au Patrimoine oral et immatériel de l’humanité de l’Unesco

L’art gnaoua est candidat à son inscription sur la liste du Patrimoine oral et immatériel de l’humanité. La décision sera prise lors de la 14e réunion annuelle de la commission de l’Unesco, prévue du 9 au 14 décembre 2019 à Bogota. “Ce serait une reconnaissance de l’art gnaoua, cela permettrait de rendre aux Gnaouas ce qu’ils ont apporté et continuent d’apporter au Maroc“, affirmait la fondatrice du Festival d’Essaouira, Neila Tazi, au début du processus de la candidature auprès de l’Unesco. “Notre objectif est aussi de préserver et de perpétuer cette tradition orale“, poursuivait-elle.Héritage des esclaves originaires de l’ancien Empire du SoudanLes Gnaouas, descendants d’esclaves originaires de l’ancien Empire du Soudan (Sénégal, Mali, Niger, Guinée…), ont apporté leurs rythmes et leurs rituels de transe au Maghreb. Victimes de la traite arabe, ils avaient été capturés pour être employés au chargement et déchargement des navires du port d’Essaouira (ancienne Mogador). Les sultans de l’empire chérifien auraient fait venir cette main d’œuvre captive du golfe de Guinée pour développer ce nouveau port dont l’activité avait été initiée par les Portugais. Ils constituaient également la garde royale noire, les Boukhari, garde rapprochée des sultans. Difficile de retracer avec précision l’origine du mot gnaoua, mais il semble avoir la même racine que les mots Guinée ou Ghana… ce qui pourrait signifier “pays des noirs” en langue amazigh. Une des grandes et des plus anciennes familles d’Essaouira a pour patronyme Guinea.Le son envoûtant et ensorcelant de la musique gnaouaSi la génèse de la tradition gnaoua reste encore largement mystérieuse, l’art gnaoua, lui, est né de la rencontre entre les cultures noires subsahariennes et la culture arabo-berbère. Essaouira, où se déroule chaque année le célèbre Festival gnaoua, en est le lieu emblématique.La musique et les rituels gnaouas auraient pour origine les cultes de possession et de transe sahéliens. Ces pratiques ont dû se métamorphoser et adopter l’islam comme religion pour survivre. Leurs rituels aux vertus thérapeutiques (transe de lâcher prise), au cœur de la tradition, se pratiquent encore, de manière confidentielle, dans l’intimité des confréries religieuses.La musique extatique gnaoua (tagnaouite en berbère) se pratique autour de maîtres musiciens (maalem), de voyantes (chouaafa), de médiums et d’adeptes. Leur instrument principal est un luth-tambour à trois cordes : le guembri (ou hajhouj). Les femmes exécutent la guedra, sorte de danse convulsive où l’on s’écroule sur le dernier battement de tambour. Les Gnaouas ont ainsi créé un genre musical mystico-religieux original, répétant en litanie des invocations diverses, notamment tirées du Coran. La guedra est aussi le nom du tambour qui accompagne la danse.

Maâlem Saïd Oughassal, maître de la musique gnaoua, au festival d’Essaouira en juin 2014. Le guembri, sorte de guitare à trois cordes, les qraquech de métal (ou qarqabu, sortes de castagnettes) et les tambours sont les instruments propres à la musique gnaoua du Maroc. (JALAL MORCHIDI / ANADOLU AGENCY)

Longtemps cantonnés à leurs confréries mystiques, les Gnaouas se produisent aujourd’hui devant des dizaines de milliers de personnes, réunies chaque année pour le Festival d’Essaouira. Avec ce festival, né il y a 23 ans, leur musique a acquis une reconnaissance internationale. “Il a sans doute permis de sauver une musique ancestrale, qui a failli tomber dans l’oubli. La plupart des traditions culturelles de tous les pays sont en danger avec le rouleau compresseur de la modernité et de la mondialisation ; la culture gnaoua ne fait pas exception“, explique Loy Ehrlich, musicien à l’origine du Festival d’Essaouira.

Groupe de danseurs gnaouas, cérémonie d’ouverture du festival d’Essaouira en 2014.  (JALAL MORCHIDI / ANADOLU AGENCY)

Il faut préciser que la musique gnaoua ne se préserve pas, elle évolue et se transforme avec son temps, ce qu’elle a toujours fait. Simplement, le ‘temps’ va beaucoup plus vite qu’avant… La transmission se fait quand même grâce au festival et à l’engouement pour la musique gnaoua dans la ‘sono mondiale’. De nombreux jeunes musiciens marocains sont en train d’éclore ; la musique évolue, mais le répertoire se transmet“, précise, confiant, Loy Ehrlich.La relève semble donc bien assurée, comme le prouvent les nombreux groupes de musique gnaoua, souvent en fusion jazz, blues ou reggae, que l’on pouvait écouter le week-end des 22 et 23 juin 2019 à Essaouira. Et ce, quelle que soit la décision de l’Unesco.

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