Gala: Vous figurez dans le Guiness Book des records pour avoir rassemblé au Kremlin plus de 3 millions de spectateurs, vous avez vendu 80 millions d’albums. Et pourtant, vous n’avez pas adopté le train de vie d’un jet-setteur…
JMJ: Je ne me considère ni comme un artiste businessman, ni comme un musicien installé, rentier. J’ai préféré m’investir, humainement et financièrement, dans mes projets. Mon luxe, c’est d’avoir les moyens de les réaliser. Evidemment, la famille compte énormément. Mon épouse, Anne Parillaud, mes grands enfants et les siens, plus jeunes, que nous élevons ensemble, restent ma priorité.
Gala: D’où vous vient votre énergie d’adolescent?
JMJ : Mon moteur, c’est l’envie, le désir. C’est aussi une question de nature. Je tiens beaucoup de ma mère, qui, à quatre-vingt-quinze ans, se porte comme un charme. Pour rester en forme, je me limite à une bonne hygiène alimentaire. Mon sport, c’est sur scène que je le pratique.
Gala: L’âge est important pour vous?
JMJ: Ma relation au temps est assez bizarre. Jusqu’à la mort de mon père, Maurice Jarre, cette notion était complètement abstraite. A son décès, en 2008, tout a basculé. Je suis devenu le chef de clan, en d’autres termes, le «prochain» sur la liste. J’ai brutalement pris conscience du temps qui me reste…
Gala: Vous êtes un citoyen engagé. Est-ce votre mère, ancienne résistante et déportée, qui vous a montré la voie?
JMJ: Absolument. Elle a eu un destin incroyable. Résistante de la première heure, arrêtée trois fois par la Gestapo, et déportée à Ravensbrück. Elle a fini par s’échapper et revenir en France sur le toit d’un train! Mais malgré ces drames de l’Histoire, elle m’a élevé dans l’idée du respect de l’autre, de la tolérance. Ma mère a toujours fait la différence, quand elle me parlait de la guerre, entre les nazis et les Allemands. Plus tard, comme mes parents ont divorcé -j’avais cinq ans- j’ai beaucoup souffert de grandir sans père. Elle a su gérer cette absence sans jamais se montrer envahissante ou abusive. Je lui suis très reconnaissant de m’avoir inculqué des valeurs que j’ai transmises à mes enfants.
Gala: Comment êtes-vous devenu ambassadeur auprès de l’Unesco?
JMJ: J’ai défendu la cause de l’écologie bien avant la vague verte. A l’époque d’Oxygène, en 1976, le développement durable et l’environnement n’intéressaient que les hippies! Il y a quinze ans, on m’a proposé cette mission, qui me tient très à cœur. Aujourd’hui plus que jamais. Car l’éducation, la culture, la démographie, l’accès à l’eau potable vont être les enjeux majeurs demain.
Gala: Vous agissez dans la discrétion…
JMJ: Je me méfie du charity business et des artistes qui, parce qu’ils sortent un livre ou un disque, se montrent généreux. Je préfère être en retrait et m’engager sur du long terme. Mon message, je le fais passer dans mes concerts. Par exemple, dans le programme qui est vendu, je veille à ce qu’il y ait une double page qui fasse référence aux grands chantiers de l’Unesco. Les discours moralisateurs me gênent. J’estime que ce n’est pas mon rôle.
Gala: Quelles sont, parmi les personnalités que vous avez croisées, celles qui vous ont le plus marqué?
JMJ: Ma rencontre avec le pape Jean-Paul II, juste avant un concert. La plus impressionnante de ma vie! Quand il est entré dans la pièce, j’ai eu l’impression que la température était montée d’un coup. Sa bonté, sa clairvoyance m’ont ébranlé. Je lui ai posé beaucoup de questions sur le communisme. Nous avons parlé longuement de Solidarnosc, de Lech Walesa, de ses problèmes de santé mais aussi du rapport entre la musique et la spiritualité.
Gala: Pensez-vous être fidèle à vos vingt ans?
JMJ: Faut-il être fidèle à ses vingt ans? Chaque époque de la vie vous apporte des choses. Néanmoins, je n’ai jamais abandonné les idéaux de ma jeunesse tels que refuser d’être enfermé dans un moule et de suivre la mode. Ce qui explique que je me suis lancé dans la musique électronique en pleine folie disco! Durant toute ma carrière, je me suis effectivement retrouvé en total décalage. Cette situation me convient parfaitement.
Gala : Vous allez fêter, en mai, vos cinq ans de mariage avec Anne Parillaud. C’est important?
JMJ: Le temps écoulé auprès de la femme qu’on aime, il faut le chérir. Je m’efforce de tout faire pour que chaque jour qui passe soit comme un anniversaire.
Propos recueillis par Claire Baldewyns.
Dans sa loge, l’artiste se prête aux derniers réglages de son micro HF.
Les lasers les plus sophistiqués du moment, créés sur mesure pour le tour 2010, offrent au public un light show exceptionnel.
Sur l’autoroute qui le conduit de Hambourg à Berlin, où il se produit le soir même, le créateur d’Oxygène s’est retiré dans sa « chambre », un espace de repose lui permettant, en fin de matinée, de composer sur son synthé de voyagde qui ne le quitte jamais.
Quelques jours avant ses concerts en France, Gala a rejoint le magicien de la musique électronique dans son bus rose flashy.
Gala: Heureux d’être à nouveau nomade?
Jean-Michel Jarre: Très heureux. A un moment où beaucoup d’artistes de ma génération font leurs adieux à la scène, moi j’entame une tournée de débutant. Elle me conduira, pour la première fois, à travers le monde et sur tous les continents. Depuis longtemps, j’avais envie de transporter la magie de mes grands shows en extérieur dans des espaces plus « contrôlés », à l’abri des aléas de la météo.
Gala: Vous qui avez investi des lieux grandioses, comme la Cité Interdite de Pékin et les pyramides d’Egypte, ne vous sentez-vous pas un peu à l’étroit dans une salle, aussi grande soit-elle?
JMJ: Pas du tout. Un lieu clos m’offre également beaucoup de liberté. Il me permet non seulement de partager deux heures et demie de spectacle dans une réelle proximité avec le public mais aussi de lui offrir une immersion totale, sonore et scénographique comme une sorte de prolongement visuel de ma musique. J’interprète évidemment les morceaux les plus connus de mon répertoire mais aussi des nouveautés, qui naissent et se développent chaque soir pour figurer sur un prochain album.
Gala: Vous êtes un vrai patron, vous contrôlez absolument tout. Rien à voir avec le mythe de la rock star qui débarque avec une heure de retard…
JMJ: Ce genre de comportement très seventies me paraît démodé. Aujourd’hui, un artiste se doit d’offrir le meilleur à des gens qui font l’effort, en période de crise, d’acheter un billet. Chaque concert que je donne, je le prépare comme s’il était unique. Durant les répétitions, je m’assieds systématiquement à différents endroits de la salle pour vérifier la qualité du son. Je ne considère jamais les choses comme acquises, j’éprouve le même trac, les mêmes doutes. Avec l’impression de faire des brouillons et que la copie reste à venir. Bizarrement, je suis encore étonné que les gens viennent!
Click Here: West Coast Eagles Guernsey